Les Cahiers du DRH, N°176, Mai 2011
Petit état des lieux de la prévention des risques psychosociaux avec deux spécialistes, auteurs d’un ouvrage innovant.
Partisans d’une approche pluridisciplinaire de la prévention des risques sociaux, Bruno Lefebvre et Matthieu Poirot conjuguent régulièrement leurs compétences sur le terrain lors de missions en entreprise.
Bruno Lefebvre est consultant et coach de directions. Psychologue clinicien et enseignant en école de management, il intervient tant en développement des compétences managériales qu’en accompagnement de DRH et d’équipes RH.
Mathieu Poirot est psychologue social et docteur en management des ressources humaines. Il est également chercheur et enseignant.
Ensemble, ils viennent de publier un livre intitulé « Stress et risques psychosociaux au travail » (Elsevier Masson, 1ère édition, février 2011).
Propos recueillis par Sylvie Nicolet, pour les Cahiers du DRH.
« Stress et risques Psychosociaux au travail. Comprendre-Prévenir-Intervenir. » (Elsevier Masson, 1ère édition, février 2011).
L’approche globale que les auteurs préconisent dans cet ouvrage permet de contourner trois écueils.
La personnalisation des problèmes
Un salarié qui développe un comportement agressif peut être victime du contexte.
Dans une approche individuelle des risques psychosociaux, l’entreprise peut confondre la cause et la conséquence, prendre ce salarié comme bouc émissaire et éviter ainsi de se remettre en question sur l’organisation.
L’éparpillement
Dans une grande entreprise, la prévention des risques psychosociaux requiert la participation de différents acteurs : DRH, médecin, CHSCT…
S’il existe des problèmes de rivalité, chacun va faire intervenir le consultant de son choix. L’approche devient nécessairement parcellaire et comme le soulignent les auteurs, « cette situation est le meilleur moyen pour ne rien changer ».
L’accusation
Dans un contexte de conflit social, chacun consacre toute son énergie à faire porter le chapeau à la partie adverse. L’approche globale permet de mettre à jour la complexité du dossier et les coresponsabilités.
Dans un premier temps, l’ouvrage aborde les concepts généraux en rapport avec les risques psychosociaux et passe en revue tous les facteurs de risque : surcharge de travail, manque de reconnaissance, fatigue de manager, faible autonomie, isolement social, nombreux « comportements toxiques »…
Il énonce ensuite les grands principes de la démarche stratégique à engager et détaille les six étapes qui la constituent :
sensibilisation de la direction générale ;
mise en place d’un comité de pilotage ;
identification des facteurs de risque ;
développement des solutions ;
passage à l’action ;
évaluation des résultats.
Enfin, il analyse sept leviers du « mieux-vivre en entreprise ».
C’est dans ce chapitre qu’il ouvre des voies pour « sortir du paradoxe managérial » qui résulte du double objectif assigné au manager : mieux manager tout en privilégiant le résultat opérationnel.
Sommaire de l’entretien :
Sylvie Nicolet (Les Cahiers du DRH) : Au cours de ces dernières années, un certain nombre d’auteurs se sont attachés à décrire les risques psychosociaux et à préconiser des solutions.
En quoi votre ouvrage est-il différent ?
Sylvie Nicolet (Les Cahiers du DRH) : Vous employez la notion d’« entreprise en santé ».
D’où vient-elle et que signifie-t-elle ?
Sylvie Nicolet (Les Cahiers du DRH) : Entamer une démarche de prévention des risques psychosociaux, c’est s’engager sur la durée, se remettre en question, dégager des moyens, humains et financiers…
Quels sont vos arguments pour convaincre une entreprise qui ne se sent pas en situation d’urgence ?
Sylvie Nicolet (Les Cahiers du DRH) : Lorsque vous abordez une entreprise, au tout début de la démarche vous rencontrez le comité de direction.
À quel type de résistance êtes-vous confrontés ?
Sylvie Nicolet (Les Cahiers du DRH) : Dans votre livre, vous dites rencontrer d’autres difficultés au moment où, après avoir identifié les risques, il convient de passer à l’action…
Sylvie Nicolet (Les Cahiers du DRH) : Vous consacrez tout un chapitre à « la fatigue du manager ».
Comment la définissez-vous ?
Sylvie Nicolet (Les Cahiers du DRH) : Comment être ou rester une « entreprise en santé », qui concilie donc bien-être et efficacité, si les taux de productivité et les rythmes imposés continuent d’augmenter ?
D’autant que, pour les grosses entreprises, on sait que les décisions sont le plus souvent prises à l’international…
Sylvie Nicolet (Les Cahiers du DRH): Comment voyez-vous l’avenir de la prévention des risques psychosociaux ?
Pensez-vous que les entreprises l’intègreront d’elles-mêmes ou faudra-t-il en passer par le politique ?
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